Compétences jacobines

La spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle a été engagée par la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Le contentieux des brevets, marques, dessins et modèles, obtentions végétales… relève de la compétence exclusive du Tribunal de Grande Instance.

 

Deux décrets réformant le Code de la propriété intellectuelle et le Code de l’organisation judiciaire ont été publiés le 9 octobre 2009, pour la mise en œuvre de cette spécialisation. Deux idées animent le gouvernement :

– d’une part, consacrer un monopole des juridictions parisiennes pour le contentieux dit ‘technique’ des brevets d’invention, des certificats d’utilité, des certificats complémentaires de protection et des topographies de produits semi-conducteurs ;

– d’autre part, maintenir un nombre limité de juridictions appelées à connaître des contentieux de la propriété littéraire et artistique, des dessins et modèles, des marques, et des indications géographiques.

La réforme des compétences entrera en vigueur le 1er novembre 2009. Toutes les actions engagées antérieurement resteront de la compétence des juridictions saisies.

 

I. Contentieux des brevets d’invention

Le Tribunal de Grande Instance de Paris et la Cour d’Appel de Paris deviennent les seules juridictions compétentes en matière de contentieux des brevets d’invention.

Les appels des décisions relèveront, quelque soit la juridiction initialement saisie du litige, de la Cour d’Appel de Paris. Il en est de même lorsque le demandeur est domicilié à l’étranger. Dans cette dernière hypothèse, le décret prévoir une élection de domicile au siège de la Cour.

La Cour d’Appel de Paris est compétente, à titre exclusif, pour connaître des recours formés contre les décisions du Directeur de l’INPI en matière de délivrance, rejet ou maintien de brevets d’invention, de certificats d’utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs (art. D. 411-19-1 du Code de l’Organisation Judiciaire).

Ces dispositions réglementaires diminuent le nombre de juridictions compétentes : les TGI de Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Lyon et Toulouse ne pourront donc plus connaître d’affaires dites « techniques ».

Cette réforme semble critiquable à plusieurs titres.

D’une part, les raisons de spécialisation ou de technicité invoquées par les partisans d’un pôle juridictionnel unique ne résistent pas à l’analyse. Aujourd’hui, un expert judiciaire intervient dans la plupart des matières contentieuses. Par exemple en matière de garanties immobilières décennales, l’architecte et l’artisan spécialisé sont les meilleurs alliés des juridictions. De même, en matière de liquidation de régime matrimonial, le notaire et l’avocat spécialisés apportent toute leur expertise. En matière de brevets d’invention ou de certificats de protection, un Conseil en Propriété industrielle pourra apporter une analyse précise sur toute question technique (nouveauté, activité inventive, caractéristique de la contrefaçon).

Or, il ne viendrait à l’esprit de personne d’affirmer que les magistrats, notaires, avocats et conseils situés en Régions sont moins compétents ou moins bien formés que leurs homologues parisiens.

D’autre part, le principe consacré par le Code de procédure civile reste une compétence du domicile du défendeur ou, subsidiairement, du lieu du fait dommageable. En d’autres termes, celui qui souhaite porter le fer doit se rendre sur les terres de son adversaire. Une compétence exclusive des juridictions parisienne conduit à rompre ce principe, au détriment des milliers d’entrepreneurs situés hors de la capitale.

Enfin, les frais de postulation seront accrus au détriment des entreprises situés hors de l’Île-de-France. Les justiciables pourraient percevoir cette réforme comme l’institution d’une rente de situation pour les avocats de Paris.

Ces décrets, empreints de jacobinisme, rompent l’équilibre juridictionnel des territoires.

II. Contentieux de la propriété littéraire, des marques, des dessins et modèles, et des indications géographiques

En matière de droits d’auteur, de marques, de dessins et modèles et d’indications géographiques, les tribunaux de grandes instances compétents à compter du 1er novembre 2009 sont les suivants : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France.

Cependant, les recours contre les décisions du Directeur de l’INPI en matière de délivrance, de rejet ou de maintien des dessins et modèles et des marques, prévus par l’article R. 411-19 du Code de la propriété intellectuelle, sont portés exclusivement devant les Cours d’appel du ressort du domicile du demandeur. Les cours d’appel compétentes sont les suivantes : Aix-en-Provence, Bordeaux, Douai, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris, Rennes et Versailles.

En quelques mots, la juridiction compétente relève de plusieurs critères :

– d’une part l’objet du litige : la compétence juridictionnelle varie selon la nature de l’acte contesté ;

– d’autre part le domicile des parties.

Ces deux critères constituent les éléments essentiels classiques de compétence juridictionnelle.

Source: Décrets n°2009-1204 et 2009-1205 du 9 octobre 2009 fixant le siège et le ressort des juridictions en matière de propriété intellectuelle.