Le 19 décembre 2008, dans le cadre de la coopération judiciaire entre les États membres de l’Union européenne, le Conseil de l’Union européenne a adopté une décision-cadre relative au mandat européen d’obtention de preuves. Cette décision cadre a pour objectif de faciliter la communication de tout objet, document ou donnée en vue de leur utilisation dans le cadre de procédure pénale.
La décision-cadre ambitionne de créer un nouveau dispositif visant à faciliter l’obtention de preuves dans les affaires transfrontalières. Ce dispositif est fondé sur un principe de reconnaissance mutuelle de validité des demandes lorsque les procédures applicables dans l’Etat d’émission et celles de l’Etat d’exécution sont comparables.
Selon l’article 5 de la décision-cadre, le mandat européen d’obtention de preuves peut être obtenu dans une large palette de procédures différentes, et notamment « aux fins des procédures pénales engagées par une autorité judiciaire ou à engager devant celle-ci concernant une infraction pénale conformément au droit national de l’Etat d’émission ».
Or, en France, toute contrefaçon constitue une infraction pénale:
– en matière de droits d’auteur, selon les dispositions de l’article L. 335-2 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle (3 ans d’emprisonnement et 300 000 €uros d’amende);
– en matière de dessins et modèles, selon les dispositions de l’article L. 521-10 du même Code (mêmes peines);
– en matière de brevets d’invention, selon les dispositions de l’article L. 615-14 du même Code (mêmes peines);
– en matière de marques, selon les dispositions de l’article L.716-9 du même Code (4 ans d’emprisonnement et 400 000 €uros d’amende).
Le mandat européen d’obtention de preuves pourra donc être requis dans le cadre des actions judiciaires impliquant une atteinte à la propriété intellectuelle, afin d’obtenir communication des éléments probatoires nécessaires à la manifestation de la vérité, au moyen de perquisitions et de saisies.
Néanmoins, plusieurs limites sont fixées à la portée du mandat: aux termes de l’article 4.2 de la décision-cadre, celui-ci ne peut être émis en vue de procéder à l’interrogatoire de suspects, de prélever des tissus biologiques d’un individu, d’intercepter des communications, d’analyser des documents ou des objets existants, d’obtenir des données de communication auprès de Fournisseurs d’Accès à l’Internet.
Les réserves posées par la décision-cadre limitent donc le champ des mandats européens d’obtention de preuves. Les futures jurisprudences relatives à l’article 4.2.d, qui ne manqueront pas de se développer, seront intéressantes: dans quelle mesure un mandat européen d’obtention de preuves pourrait-il être remis en cause s’il demande « d’analyser des objets, des documents ou des données existants » ? N’appartient-il pas à l’autorité réceptrice de fournir à l’autorité requérante toute explication utile sur les éléments de preuve recueillis dans l’exécution du mandat européen d’obtention de preuves ?
En toute hypothèse, ce mandat européen d’obtention de preuves renforcera la coopération judiciaire entre les Etats de l’Union européenne, et offrira un nouvel outil de lutte contre les contrefaçons.
En outre, la décision-cadre fait de la réciprocité des procédures une condition importante: le mandat européen d’obtention de preuves peut être requis si les procédures de l’État d’émission sont comparables à celles de l’État d’exécution. Or, dans le domaine des propriétés intellectuelles, le régime probatoire adopté par la France, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007, présente un certain particularisme et une grande efficacité. La plupart des États membres de l’Union européenne ne disposent pas d’une procédure de production de preuve aussi aboutie. Dès lors, l’exécution pratique d’un mandat européen d’obtention de preuves risque fort de soulever quelques réticences et quelques difficultés.
Source: Communiqué du Conseil de l’Union Européenne.