Exception de copie privée: épilogue

L’association UFC Que Choisir et un consommateur avait assigné la FNAC et Warner Music France d’une action contre les mesures techniques de protection. Dans cette affaire, le consommateur n’avait pu lire le CD de Phil Collins Testify sur un ordinateur. Les demandeurs avaient sollicité la levée des mesures techniques de protection et la réparation de leur préjudice.

Dans un arrêt du 27 novembre 2008, la Cour de Cassation met fin à ce feuilleton judiciaire, opposant les adversaires du « droit au piratage » à ceux d’une « captation technique du consommateur ».

Dans un jugement du 10 janvier 2006, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait fait interdiction à Warner Music France d’utiliser des mesures techniques de protection préjudiciables au consommateur. Empêcher la lecture des CD audio sur les ordinateurs n’était pas légitime. Le Tribunal avait fondé sa décision sur la garantie des vices cachés, et avait jugé que les mesures techniques de protection devaient être compatibles avec les exceptions de copie privées, prévues à l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel de Paris avait infirmé le jugement, sur le fondement des droits de propriété intellectuelle et du droit de la consommation: les demandeurs n’avaient pas rapporté la preuve que l’impossibilité de lecture était exclusivement liée aux mesures techniques de protection affectant le CD. Cet arrêt avait été très critiqué par les associations de défense des consommateurs, qui soulevaient (à juste titre) les difficultés de preuve dans un domaine technique complexe: comment un particulier peut-il matériellement démontrer que l’impossibilité de lecture vient exclusivement du CD audio acheté ? Dispose-t-il des compétences d’un expert informatique ?

L’arrêt de la Cour de Cassation met un terme aux débats en redonnant à l’exception de copie privée sa véritable place: celle d’une exception. La Haute Juridiction considère que la réalisation de copies n’est pas un droit du consommateur. L’exception de copie privée n’a pour seule vocation que d’empêcher les actions en contrefaçon de droits d’auteur, lorsque la copie est réalisée par une personne qui est légitimement titulaire d’une version originale du CD audio. Cette exception de copie privée ne peut fonder une demande:

Attendu qu’après avoir à bon droit retenu que la copie privée ne constitue pas un droit mais une exception légale au principe prohibant toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre protégée faite sans le consentement du titulaire de droits d’auteur, la cour d’appel en a justement déduit qu’une telle copie, si elle pouvait être opposée pour défendre à une poursuite, notamment en contrefaçon, ne pouvait être invoquée au soutien d’une action formée à titre principal ; qu’elle ne pouvait en conséquence que déclarer Christophe R. irrecevable à agir par voie d’action principale faute pour celui-ci de pouvoir se prévaloir d’un intérêt légalement protégé ; que le moyen n’est pas fondé; par ces motifs: rejette le pourvoi.

Et Monsieur Christophe R. et l’UFC Que choisir d’être déboutés de leurs demandes.

En d’autres termes: réaliser une copie légitime est un moyen de défense, si la maison de disque engage la responsabilité du consommateur. Ce n’est pas un moyen d’attaque, permettant à un consommateur de demander en justice une réparation.

Cette affaire appellera les Majors des disques à renforcer leur service après-vente, par exemple en proposant l’échange des CD audio, susceptibles de comporter un défaut de fabrication, d’un nouvel exemplaire contre celui acheté. Néanmoins, dans la mesure où le CD est déjà un support en fin de vie, la question des mesures techniques de protection des supports amovibles optiques présentera rapidement un caractère historique.

Les effets de l’arrêt pourraient néanmoins être plus conséquents que la première chambre ne le pensait… En effet, les éditeurs de contenu en ligne et les vendeurs de supports commercialisent des lecteurs captifs, utilisant des formats de lecture propriétaire. L’enjeu véritable de cet arrêt pourrait concerner la compatibilité technique des différents médias, et la privation d’usage lors d’une migration technologique. Exemple: je dispose d’une station PC sous Windows; qui me garantit que je pourrai toujours écouter les fichiers achetés en ligne lorsque j’achèterai un Mac ?

La résistance des consommateurs aux mesures techniques de protection ne pourra s’achever qu’à condition que les éditeurs de contenu ne le considère pas comme un client captif de leurs formats propriétaires.

A lire: Cour de Cassation, Première Chambre civile, 27 novembre 2008, UFC Que choisir et Christophe R., publiée sur le site de Legalis.net.