Pour bénéficier de la protection des modèles communautaires enregistrés, le design déposé doit être nouveau. Pour éviter que les propres divulgations des designers n’affectent la nouveauté de leur modèle, l’article 7§2 du Règlement communautaire n°6 / 2002 du 12 décembre 2001 a instauré une période dite « de grâce », d’un maximum de douze mois précédant le dépôt, durant laquelle la révélation publique du produit par son créateur n’est pas prise en considération.
La période de grâce prévue à l’article 7§2 du Règlement communautaire constitue parfois un bouclier face à certaines demandes de nullité…
Ainsi, la division d’annulation de l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur a récemment rejeté une action en nullité contre un modèle communautaire d’une poignée de porte, déposé le 24 septembre 2008. L’action était intentée sur le constat d’une divulgation antérieure d’un produit identique durant un salon international de Cologne, en Allemagne du 9 au 12 mars 2008 (soit environ 6 mois avant le dépôt du modèle communautaire contesté). L’assaillant expliquait que son adversaire avait copié servilement son produit, après l’avoir vu dans une exposition antérieure. Au soutien de sa demande en nullité, il produisait une divulgation émanant du propriétaire du modèle.
La division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande de nullité dans une décision n°6682 du 7 décembre 2010 (ICD 6682, en Espagnol), pour défaut de preuve d’une divulgation antérieure. Selon l’OHMI, une divulgation ne peut être prise en compte si elle est effectuée dans le délai de grâce de l’article 7§2, lorsque ses deux conditions cumulatives sont satisfaites, en l’espèce:
– d’une part, la divulgation du modèle antérieur qui sert de fondement à la nullité doit avoir été réalisée dans un délai maximal de douze mois avant la date de la demande de modèle contestée ;
– d’autre part, cette divulgation avait été effectuée sur la base d’informations fournie par le demandeur du modèle communautaire.
Selon la division d’annulation, il importait peu de savoir qui avait copié qui… Seule importait la titularité de la divulgation. La personne ayant exposé dans un délai de douze mois avant son propre dépôt est éligible au bénéfice d’une période de grâce. La divulgation antérieure ne doit pas être prise en compte.
Dans une décision similaire du 29 septembre 2010 (ICD 5267, en Allemand), deux frères se disputaient la paternité d’un modèle de meubles d’habitation. L’un d’entre eux soutenait le manque de nouveauté d’un modèle au regard de l’un de ses produits antérieurs.
De manière similaire, des preuves d’une divulgation antérieure sont produites ; de manière similaire, elles sont écartées au motif que la divulgation provient du demandeur, et s’inscrit dans une période de douze mois antérieurement au dépôt.
La période de grâce de douze mois prévue à l’article 7§2 du règlement communautaire a une fonction : elle permet au créateur d’un nouveau produit d’étudier les succès potentiels de celui-ci sur son marché avant de le protéger par l’enregistrement. La période de grâce est une sécurité pour les créateurs, qui ne risquent pas « d’auto-divulgation » durant une année.
Cependant, cette période de grâce n’est d’aucun recours lorsqu’un tiers, ayant connaissance du produit, introduit une demande d’enregistrement avant son titulaire légitime. Dans cette hypothèse, le seul recours du créateur réside dans une action en revendication devant une juridiction nationale, comme il est prévu à l’article 15 du Règlement n°6 / 2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires.
Une telle action suppose des preuves solides, notamment de lien entre le modèle antérieur et le modèle contesté (partenariat, concurrence identifiée, subtilisation de documents, transfert illégitime de savoir-faire par débauchage, etc). En cas de doute, le concepteur initial du produit pourrait préférer une action en nullité de la demande déposée frauduleusement, laquelle n’exige pas d’établir de lien direct entre le modèle contesté et le modèle antérieur.
Dans la décision n°6682 citée ci-dessus, il est possible que la division d’annulation eût invalidé le modèle communautaire si l’assaillant avait étayé les cause de la stricte identité entre le modèle contesté et son propre modèle antérieur (notamment en démontrant les circonstances de la copie servile). Dans la décision n°5267, les débats sur la propriété du modèle ne permettaient pas d’en démontrer la nullité.
Le délai de grâce peut ainsi servir à valider une demande de modèle communautaire lorsque l’assaillant s’épuise à alléguer sa propriété au lieu de démontrer le manque de nouveauté.
Source: AlicanteNEWS, Janvier 2011