Loi de modernisation du Code de la propriété intellectuelle (1re partie: marques)

L’article 132 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 autorisait le Gouvernement à simplifier et améliorer les procédures de délivrance et d’enregistrement des titres de propriété industrielle. Sur le fondement de cette autorisation, le Gouvernement a publié l’ordonnance n°2008-1301 du 11 décembre 2008 relative aux brevets d’invention et aux marques, qui modifie les parties législatives et réglementaires du Code de la propriété intellectuelle.

L’ordonnance n°2008-1301 (ci-après l’ordonnance) porte adaptation du Code de la propriété intellectuelle aux Traités sur le droit des brevets, adopté à Genève le 1er juin 2000, au Traité de Singapour sur le droit des marques 27 mars 2006, et au Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel (Protocole III), adopté à Genève le 8 décembre 2005.

L’ordonnance comporte deux articles principaux, l’un modifiant les procédures de délivrance des brevets d’invention, l’autre modifiant les procédures de délivrance des marques, sur lesquelles nous allons nous attarder.

L’ordonnance n°2008-1301 modifie l’article L. 712-4 du Code de la propriété intellectuelle, pour clarifier les circonstances de suspension d’une procédure d’opposition. L’ancien texte précisait que le délai de procédure d’opposition de six mois pouvait être suspendu en cas « d’engagement d’une action en nullité, en déchéance ou en revendication de propriété ». Cet article pouvait être interprété comme ouvrant une suspension de procédure en cas d’action visant la marque contestée comme la marque sur laquelle était fondée l’opposition. Ainsi les procédures d’opposition pouvaient être gelées durant un temps indéterminé en cas de multiples actions. Dorénavant, seules les contestations de la marque sur laquelle est fondée l’opposition pourraient ouvrir une suspension de procédure.

En outre, la formule « l’engagement d’une action » supposait l’introduction d’une action judiciaire. Dorénavant, toute demande en nullité peut servir de fondement à une suspension. Sont donc clairement visées les demandes administratives en nullité, déposées devant l’Office pour l’Harmonisation dans le Marché Intérieur, lorsque la marque servant de fondement à l’opposition est une marque communautaire.

La question reste ouverte sur l’étendue des démarches accomplie: le texte comprend-il les actes préparatoires ou les mises en demeure préalables ? Selon nous, l’INPI ne devrait pas accepter de telles démarches antérieures, lesquelles relèvent des simples négociations.

Suite à l’ordonnance n°2008-1301, l’article L. 712-4 al 3, a et b) du Code de la propriété intellectuelle est donc ainsi rédigé:

« (…) L’opposition est réputée rejetée s’il n’est pas statué dans un délai de six mois suivant l’expiration du délai prévu à l’article L. 712-3.

Toutefois, ce délai peut être suspendu :

a) Lorsque l’opposition est fondée sur une demande d’enregistrement de marque ;

b) En cas de demande en nullité, en déchéance ou en revendication de propriété, de la marque sur laquelle est fondée l’opposition ».

De même, les suspensions conventionnelles des oppositions sont dorénavant simplifiées. Auparavant, les parties pouvaient opter pour des suspensions d’une durée convenue (dans la pratique, par période de deux ou trois mois). La somme totale des suspensions ne pouvait excéder six mois.

Dorénavant, les suspensions seront nécessairement de trois mois. Chaque suspension est renouvelable une seule fois. La durée totale des suspensions n’est donc pas modifiée, mais la procédure de suivi devant l’INPI en sera simplifiée.

Le relevé en déchéance, régi par les articles L. 712-10 et R. 712-12 du Code de la propriété intellectuelle, permet de sauvegarder les intérêts d’un déposant n’ayant pu respecter un délai en raison d’un empêchement qui n’est imputable ni à sa volonté, ni à sa négligence, ni à sa faute.

Le texte réglementaire comportait une difficulté d’interprétation:

– l’article L. 712-10 du Code ouvrait le relevé de déchéance aux déposants n’ayant pas respecté les délais visés à l’article L. 712-2 et L. 712-9 du Code, à savoir la demande initiale d’enregistrement (bien qu’aucun délai ne soit expressément fixé par cet article; les praticiens étendaient le relevé de déchéance au délai de priorité) et le renouvellement sans modification du signe ni extension de la liste des produits et services;

– l’article R. 712-12 du Code, à l’inverse, exclut le bénéfice du relevé de déchéance au délai mentionné à l’article R. 712-24 (1°) du Code, c’est-à-dire au délai de renouvellement.

Le texte réglementaire n’était pas en totale concordance avec le texte législatif.

La contradiction est dorénavant levée: la nouvelle rédaction de l’article L. 712-10 ne visant plus le renouvellement prévu à l’article L. 712-9 du Code, aucun relevé de déchéance ne peut être demandé pour le non-renouvellement d’une marque au-delà du délai de grâce.

Enfin, la protection des marques de renommée est circonscrite. L’usage d’une marque jouissant d’une renommée engage la responsabilité civile de l’utilisateur. L’ancien article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle couvrait tous les actes « d’emploi » d’une marque jouissant d’une renommée, indépendamment de sa fonction effective. Il aboutissait à créer des « mots interdits ».

Cette imprécision pouvait être source d’insécurité juridique: « l’emploi » d’une marque renommée pouvait-elle également couvrir des actes où le terme n’était pas utilisé en tant que marque ?

Dorénavant, l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle est ainsi libellé:

« La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée. »

Les notions de reproduction et d’imitation, prévues par les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code, impliquent nécessairement un usage à titre de marque. Par conséquent, les titulaires de marques de renommée devraient de surcroît démontrer que l’exploitation du signe est effectué dans le but d’indiquer une origine de produits ou de services.

Source: Ordonnance n°2008-1301 du 11 décembre 2008; JORF 12 décembre 2008, p. 18956.